Britten : Choral Dances from Gloriana

Le Madrigal de Lille prépare pour son concert de printemps les Choral Dances from Gloriana de Benjamin Britten, sous la direction de Donatienne Milpied.

Benjamin Britten

L’opéra Gloriana, opus 53 de Britten connut en guise de première une soirée de gala exceptionnelle en ce 8 juin 1953, à l’Opéra Royal de Covent Garden (Londres), en présence de Elisabeth II, couronnée seulement six jours auparavant. Cet hommage musical fut accueilli avec enthousiasme par le grand public qui se pressa nombreux pour assister aux représentations. Et pourtant, il fut sévèrement traité par la presse nationale : la critique, plus que jamais sceptique envers ce compositeur qui avait accédé à la gloire à une vitesse météorique, n’avait pu que se réjouir de la réaction des spectateurs de la première, essentiellement des diplomates et autres dignitaires peu portés vers la musique : une stupéfaction offensée par le portrait sans complaisance d’un monarque vieillissant. Britten que toute critique affectait de manière pathologique, n’essaya pas outre mesure de faire connaître son opéra après l’infortunée débâche de la première, si bien que Gloriana n’entra dans le répertoire lyrique que plusieurs années après la mort du compositeur. Britten s’attacha toutefois à préserver certains passages de la partition et autorisa leur exécution au concert.

La première audition du recueil de six Choral Dances extraites de «Gloriana» pour chœur seul fut donnée par le Chœur de BBC Midland lors d’une émission diffusée le 7 mars 1954. Le recueil fut ensuite remanié pour incorporer un solo de ténor et une harpe obligée à l’occasion de l’inauguration du Queen Elizabeth Hall, à Londres, en 1967. Tirées de la première scène du second acte de Gloriana, ces Danses chorales dressent un portrait pittoresque de la représentation d’un «masque» bigarré se déroulant à la Guildhall de Norwich en présence de la reine Elisabeth I au cours d’un voyage royal. Dans cette scène, Britten avait souhaité joindre à un faste éclatant un hommage aux chansons et danses élisabéthaines. Par la suite, il eut l’impression qu’avec cette scène, c’était le déroulement de l’action dramatique de tout l’opéra qui marquait un temps d’arrêt, si bien qu’il l’omit des productions ultérieures. La séquence débute par l’entrée du demi-dieu Temps, «lusty and blithe» [vigoureux et joyeux] suivie de celle de son épouse Harmonie. Elle chante une mélodie où seules figurent des harmonies parfaites, un trait d’humour délibéré de la part de Britten. Puis, Temps et Harmonie dansent ensemble, rejoints par des jeunes filles, des paysans et des pêcheurs, puis les festivités prennent fin sur une «Danse d’hommage» à la souveraine.

Mervyn Cooke – Traduction : Isabelle Battioni – © Hyperion 2000 (source)

Sur le web :

Oeuvres sur des poèmes d'Emily Dickinson

L’un des points forts des saisons 2006-2007 et 2007-2008 du Madrigal de Lille sont des oeuvres composées sur les poèmes d’Emily Dickinson :

  • Samuel BARBER : Let down the bars, o Death !
  • Elliott CARTER : Heart, not so heavy as mine
  • Raymond SCHROYENS : Six Dickinson Miniatures
    • Summer for thee
    • Alter ? When the hills do
    • Heart, we will forget him !
    • Parting
    • I took my power in my hand
    • I died for beauty

Emily DICKINSON

emilydickinson.jpgEmily DICKINSON (Etats-Unis 1830-1886), inconnue de son vivant, est maintenant considérée comme l’un des fondateurs de la poésie américaine du XIXème siècle.

Emily Dickinson a passé la majeure partie de sa vie recluse dans une chambre de la maison de ses parents à Amherst, et, excepté cinq poèmes (dont trois furent publiés anonymement et un autre sans que l’auteur en ait eu connaissance), son immense œuvre resta inédite et cachée jusqu’après sa mort.

“Oses-tu voir une âme en incandescence ?”
Cette question au ton dramatique, impérieux, provocant, Emily Dickinson l’adresse à quiconque se penche sur son œuvre. La réponse, empreinte d’un mystérieux effroi, elle la fournit elle-même, à la fois acteur et témoin, avec cette capacité de dédoublement qu’elle possède à l’extrême. Ordre est donné au curieux de se blottir sur le seuil, comme si la forge intérieure était un sanctuaire interdit, le lieu d’une activité sacrée transcendant celle du Dieu du Feu de la mythologie antique, Héphaïstos ou Vulcain. D’emblée une distance est posée entre le poète et le lecteur ignorant ou incrédule qui voudrait saisir le secret de la création. Une “âme en incandescence” ne s’explique pas ni ne s’analyse ; elle mérite le silence de la contemplation, un respect religieux. Peut-être faut-il voir dans ce mouvement d’orgueil l’effet d’une frustration ressentie à l’orée d’une carrière littéraire manquée mais dont on peut à bon droit se demander si, les circonstances ayant été autres, elle ne se serait pas épanouie tout comme celle de ses contemporains, Hawthorne, Melville, Poe ou Whitman.

Claire Malroux (traductrice d’Emily Dickinson) – sur le site des Ed. José Corti (source)

Manuscrit E. DickinsonToute sa vie, Emily Dickinson se sera penchée sur le mystère de l’absence en questionnant la mort, la nature, l’âme, Dieu, l’existence. Elle ne les contemple pas de l’extérieur, à la manière de bien de ses aînés Romantiques, pour leur sustituer son propre discours, mais se coule en eux ou les réflechit, les laissant affleurer à travers le prisme de son inépuisable curiosité et d’une multitude d’approches, de rapports inatendus, voire incongrus, qui déroutent et stimulent son lecteur en une spirale sans fin.
Le terme employé pour décrire le hiatus, la déchirure, la négation du temps, est le mot blank. Il désigne un espace vide, lacunaire, impossible à combler – et il est assez significatif qu’il s’applique d’abord au papier, à l’écriture. Le néant hante Emily Dickinson à l’instar de Mallarmé. À la page vierge, à l’azur, correspondent la neige, le vide entre les mots, “sur un disque neigeux Points Minuscules –”. En témoigne sa graphie si particulière, où ceux-ci forment des blocs séparés par des tirets. Les vers sont suspendus dans l’espace, constellations musicales et sémantiques, laissant le sens circuler en tous sens comme l’air (…)

Claire Malroux (traductrice d’Emily Dickinson) – Préface à « Une âme en incandescence » – Ed. José Corti – (source)

Sur le web (en français) :

Samuel Barber

Samuel BarberCompositeur américain (1910-1981).

La musique de Samuel Barber, révélant une grande maîtrise construite à partir de sensibilités et de structures romantiques, est à la fois lyrique, complexe du point de vue rythmique et riche en harmonies.

Extrait de la base de documentation Brahms (IRCAM)

Sur le web :

Let down the bars, o Death

The following summer (1936), when Barber and his friend Menotti were staying at an idyllic mountain location near Salzburg, he wrote ‘Let Down the Bars, O Death’, where expressive discords within a strictly chordal texture and abrupt minor/major shifts frame tender, ambivalent words by Emily Dickinson. He commented in a letter to his parents, ‘I wrote a little chorus the other morning, quite good, it will be all right for someone’s funeral’.

Extrait du Livret du disque Naxos

Let down the bars, O Death

Let down the bars, O Death!
The tired flocks come in
Whose bleating ceases to repeat,
Whose wandering is done.

Thine is the stillest night,
Thine the securest fold;
Too near thou art for seeking thee,
Too tender to be told.

Traduction (Keith Geaney & Michel Pirson pour Le Madrigal de Lille)

Baisse la barrière, ô mort !
les troupeaux fatigués rentrent
leur bêlement ne se répéte plus,
leur errance s’achève.

La nuit la plus tranquille est tienne,
L’enclos le plus sûr c’est le tien ;
Tu es trop proche pour que l’on te cherche,
trop tendre pour que l’on parle de toi.

Elliott Carter

Elliott CarterCompositeur américain, né en 1908.

Tout compositeur dont la carrière s?’étend sur sept décennies – et cela continue – a déjà démontré une certaine faculté de résistance. Mais nous avons d?’autres raisons, plus importantes qu?’une simple longévité, de considérer Elliott Carter comme le plus éminent compositeur américain actuellement en vie, et l?’un des principaux compositeurs du monde entier. Son nom est devenu synonyme d?’une musique à la fois puissante de par sa structure, extraordinaire dans son expression et d?’une virtuosité éblouissante: une musique exigeant à la fois beaucoup de l’?auditeur et de l’?interprète mais qui apporte encore davantage en retour.

Introduction à la musique de Carter par Jonathan Bernard (source)

Elliott Carter prit conscience que:
 » l’aspect intéressant par excellence dans la musique était le temps- la façon dont il s’écoule ».
Pour lui les éléments musicaux constituaient « les étapes transitoires d’une formation temporelle à une autre » et non les éléments statiques.
(cf. Max Noubel, Elliott Carter ou le temps fertile, Contrechamps, Genève, 2000)

Esprit de grande rigueur, il établit des structures très complexes, à partir d’éléments techniques et musicaux nouveaux , tels:

  • les polyrythmes,
  • les modulations rythmiques
  • le traitement des timbres
  • l’abandon de tout système, autant du système tonal que des systèmes sériels,
  • la distance prise aussi avec les métriques classiques autant qu’avec les musiques aléatoires et du hasard…
  • Ses recherches pointues menées sur « les hauteurs relatives »,
  • La notion nouvelle d’ « accords cartériens » : c’est un ensemble de notes émises de façon harmonique, simultanée ou bien successive, utilisant tous les demi-tons , les intervalles sont notés avec les chiffres 0 à 11, chaque note correspondant à un chiffre de la gamme).
  • L’ organisation temporelle de la musique est repensée dans son flux, sa continuité, ses modulations, son rythme, sa structure, sa métrique.
  • C’est encore le « temps », point central de toute sa pensée de créateur, qui est pensé à plus grande échelle dans l’oeuvre entière .

Jean-Louis Foucart (source)

Sur le web :

Heart, not so heavy as mine (1938)

Heart, not so heavy as mine,
Wending late home
As it passed my window
Whistled itself a tune
A ditty of the street
Yet to my irritated ear
An anodyne so sweet.
It was as if a bobolink
Sauntering this way
Carolled and paused
Then bubled slow away.
It was as if a chirping brook
Upon a dusty way
Set bleeding feet to minuets
Without the knowing why.
Tomorrow the night will come again
Weary, perhaps, and sore.
Ah, bugle, by my window
I pray you pass once more.

Traduction (Keith Geaney & Michel Pirson pour Le Madrigal de Lille)

Un cœur, pas aussi lourd que le mien
qui rentrait tard à la maison,
passant devant ma fenêtre,
il sifflait pour lui-même une mélodie.

Un air désinvolte, une ballade,
une comptine de la rue,
mais à mon oreille enflammée
c’était un remède si doux.

C’était comme si un goglu des prés*
qui se promenait par ici
chantait, s’arrêtait, chantait encore,
puis s’en allait, tout doux, roucoulant.

C’était comme si un ruisseau pépiant
sur son chemin difficile
faisait danser le menuet à des pieds sanguinolents
sans bien savoir pourquoi !

Demain reviendra la nuit
épuisée, peut-être, et douloureuse.
Ah, clairon, passe encore, je t’en prie,
devant ma fenêtre.

* sur le goglu des prés (et la traduction des noms d’oiseaux dans la poésie d’Emily Dickinson), on consultera cette notice de Charlotte Melançon

Raymond Schroyens

Raymond SchroyensRaymond Schroyens werd geboren te Mechelen op 14 maart 1933. Als koorzanger van het befaamde Mechelse Sint-Romboutskoor kwam hij als negenjarige knaap in contact met Jules Van Nuffel en Flor Peeters. In 1950 schreef hij zich in aan het toen nog in Mechelen gevestigde Lemmensinstituut om er les te volgen bij Staf Nees, Marinus de Jong en Jules Van Nuffel. Na zijn legerdienst studeerde hij vanaf 1954 orgel aan het Koninklijk Vlaams Conservatorium te Antwerpen bij Flor Peeters. Van 1958 tot 1960 was hij als kapelmeester verbonden aan de Sint-Alfonsuskerk te Dearborn in Michigan (VS), van 1960 tot 1963 muziekleraar en koorleider aan het Scheppersinstituut te Mechelen en het Sint-Stanislascollege te Berchem. In 1963 begon Raymond Schroyens aan een administratief-culturele carrière van 30 jaar bij de klassieke zender Radio 3 van de BRT. Als musicus was hij van 1962 tot 1972 actief als klavecinist bij Concertino J.B. Loeillet te Mechelen. Vanaf 1970 tot zijn pensioen in 1993 gaf hij klavecimbel aan het Koninklijk Conservatorium van Brussel. In 1975 werd hij leraar klavecimbel aan het Stedelijk Muziekconservatorium te Mechelen, wat hij bleef tot 1988. Verder engageerde Raymond Schroyens zich als bestuurslid van diverse organisaties: lid van de raad van bestuur en muziekadviseur van het Festival van Vlaanderen Mechelen (1983-2000), voorzitter van Ars Organi Mechelen (1994-1999) en voorzitter van de Vlaamse Federatie voor Jonge Koren te Gent (1996-1997).

©2003 Ruben Bruneel, voor Muziekcentrum Vlaanderen en MATRIX

Raymond Schroyens est né à Mechelen (Malines – Belgique) le 14 mars 1933. Choriste au sein du réputé Sint-Romboutskoor de Malines, à l’âge de neuf ans, il cotoya Jules van Nuffel et Flor Peeters. En 1950, il s’inscrivit au Lemmensinstituut, encore situé à l’époque à Malines, pour y suivre les cours de Staf Nees, Marinus de Jong et Jules van Nuffel. Après son service militaire, il étudia l’orgue à partir de 1954 auprès de Flor Peeters, au Conservatoire Royal Flamand d’Anvers.

De 1958 à 1960, il est maître de chapelle de l’église Saint Alphonse à Dearborne, Michigan (USA), de 1960 à 1963, professeur de musique et chef de choeur au Scheppersinstituut de Malines et au Collège Saint Stanislas de Berchem. En 1963, Raymond Schroyens débute une carrière de 30 années au service culturel de l’antenne de musique classique de la BRT, Radio 3. En tant qu’instrumentiste, il a participé de 1962 à 1972 au Concertino J.B. Loeillet de Malines, où il tenait le clavecin. De 1970 à sa retraite en 1993, il fut professeur de clavecin au Conservatoire Royal de Bruxelles. De 1975 à 1988, il enseigna également le clavecin au Conservatoire Municipal de Musique de Malines. Raymond Schroyens s’est également engagé auprès de diverses organisations : il fut membre du Conseil d’Administration et conseiller musical du Festival de Flandres à Malines (1983-2000), président de Ars Organi Malines (1994-1999) et président de la Fédération Flamande des Choeurs de Jeunes de Gand (1996-1997).

©2003 Ruben Bruneel, pour le Musiekcentrum Vlaanderen
Traduit du néerlandais par Bruno Parmentier, pour Le Madrigal de Lille.

Six Dickinson miniatures

Traduction : Keith Geaney & Michel Pirson pour Le Madrigal de Lille

Summer for thee

Summer, summer for thee
Grant I may be,
When summer days are flown !
Thy music still when whippoorwill
And oriole are done!
For thee to bloom,
I’ll skip the tomb
And sow my blossoms o’er.
Pray gather me, Anemone,
Thy flower for evermore!

Puissé-je être l’été pour toi, quand les jours d’été seront partis !
Puissé-je être la musique pour toi, quand les rossignols et les loriots auront cessé de chanter !

Pour que tu fleurisses, je passerai outre la tombe, Et la sèmerai de mes fleurs,
Ò, cueille-moi, Anémone, Comme ta fleur pour toujours !

Alter? When the hills do

Alter? When the hills do,
Falter? When the sun
Question if his glory be the perfect one.
Surfeit? When the daffodil doth of the dew:
Even as herself, o friend,
I will of you!

Changer ? … Quand les collines changeront,
Hésiter ? … Quand le soleil hésitera,
Demande-toi si sa gloire est la gloire parfaite.

En avoir assez ? Quand la jonquille en aura eu assez de la rosée,
Là, mon ami, je me serai lassée de toi !

Heart, we will forget him!

Heart, we will forget him!
Heart, you and I, tonight.
You may forget the warmth he gave,
I may forget the light.
When you have done, pray, tell me,
That I my thoughts may dim.
Haste! Lest while you’re lagging,
I may remember him.

Lui, mon coeur, nous l’oublierons, toi et moi, ce soir !
Tu oublieras peut-être la chaleur qu’il a apportée,
J’oublierai peut-être la lumière.

Quand tu auras tout oublié, dis-le moi,
Que j’estompe mes pensées;
Vite ! De crainte que, si tu traînes,
Je ne me souvienne de lui !

Parting

My life close twice before its close;
It yet remains to see
If immortality unveil
A third event to me
So huge, so hopeless to conceive,
As these that twice befell,
Parting is all we know of heaven,
And all we need of hell.

Ma vie s’acheva deux fois avant sa fin ;
reste à voir Si l’immortalité me dévoilera
Un troisième événement
Aussi immense et aussi inconcevable
Que les deux qui sont déjà arrivés,
Partir est tout ce que nous connaissons du Ciel,
Et tout ce que nous avons besoin de connaître de l’Enfer.

I took my power in my hand

I took my power in my hand
And went against the world;
‘T was not so much as David had,
But I was twice as bold.
I aimed my peble,
But myself was all the one that fell.
Was it Goliath was too large,
Or only me too small ?

J’ai pris en main mon pouvoir
Et je me suis opposé au monde,
J’avais moins de pouvoir que David,
Mais je fus deux fois plus audacieux.

Je visai avec mon galet,
mais c’est moi qui fut le seul à tomber.
Goliath était-il trop grand,
Ou seulement moi, trop petit ?

I died for beauty

I died for beauty, but was scarce
Adjusted to the tomb,
When one who died for truth was lain
In adjoining room.
He questioned softly why I failed?
« For beauty », I replied
« And I for truth – the two are one,
We brethren are », he sai.
And so, as kinsmen met anight,
We talked between the rooms,
Until the moss had reached our lips,
And covered up our names.

Je suis mort pour la beauté, mais j’étais mal ajusté à la tombe,
Quand quelqu’un qui mourut pour la vérité, fut couché dans une tombe voisine.

Il me demanda doucement pourquoi j’étais tombé…
« Pour la beauté », répondis-je,
« Et moi », dit-il, « pour la vérité
– c’est la même chose ! Nous sommes des frères ».

Ainsi, comme des parents qui s’assemblent le soir,
Nous nous sommes parlés d’une tombe à l’autre
Jusqu’à ce que la mousse atteignît nos lèvres,
Et recouvrît nos noms.

Dante ANDREO

Dante AndreoDepuis quelques années, le Madrigal de Lille a mis à son répertoire des oeuvres du compositeur argentin Dante Andreo.

Nous avons eu l’occasion de le rencontrer et de travailler avec lui lors d’un week-end mémorable (plus de détails dans les archives)

Dante Andreo est né en Argentine en 1949. Il s’est consacré complètement à la musique chorale, notamment en se spécialisant en musique espagnole ancienne. Il est chef de choeur et compositeur d’un grand nombre d’oeuvres chorales tant religieuses que profanes. Les chants de la terre, chants de l’air, chant du feu ont été composés en 1997. Ils sont écrits pour 4 voix mixtes a capella. Les 3 cycles forment un enchaînement de pièces courtes, très expressives. Des pièces dansantes alternent avec des pièces plus dramatiques, à l’image de cette Espagne du début du 20e siècle, illustrée par Garcia Lorca. (Michel Pirson)

Au répertoire du Madrigal :

  • Les Cantos sur des poèmes de Federico Garcia Lorca (saisons 2005-2006 & 2006-2007) :
    • Cantos del agua
    • Cantos del aire
    • Cantos de la tierra
    • Cantos del fuego
  • Les cantos andinos (saisons 2004-2005, 2005-2006 & 2006-2007) : trois chants populaires andins harmonisés pour choeur
  • Deux tangos harmonisés pour choeur (saison 2007-2008)
    • Uno
    • Nostalgias
  • Cinq noëls populaires (Concert de Noël 2007)
    • El nacimiento
    • Arbolito
    • La peregrinacion
    • Mazapan
    • Los Reyes Magos

LES CANTOS DE FEDERICO GARCIA LORCA

Traduction Michel Pirson pour Le Madrigal de Lille

CANTOS DEL AGUA

Agua, donde vas ? (Onde, où t’en vas-tu) – in Romancero gitano

Onde, où t’en vas-tu ?
Je m’écoule en riant
jusqu’au bord de la mer
Mer, où t’en vas-tu ?
Remontant le cours d’eau je cherche
la fontaine où me reposer.
Que fais-tu, toi, peuplier ?
Je ne veux rien te dire,
Je ne puis que trembler !
Où lancer mes désirs
par le fleuve et la mer ?
(Quatre oiseaux se sont posés
sans but sur le haut peuplier) ».

CANTOS DE LA TIERRA

Tierra seca (Terre sèche) – in Poèmes de la solea

Terre sèche, terre quiète aux nuits immenses.
(vent dans l’oliveraie, vent dans la montagne)
Terre vieille, de la chandelle et de la peine.
Terre aux profondes citernes.
Terre de la mort sans yeux, et les flèches.
(vent par les chemins, brise dans les peupliers).

Sorpresa (Surprise) – in Poèmes de la Solea

Mort il resta dans la rue, un poignard dans la poitrine. Nul ne le connaissait. Comme tremblait le réverbère ! Mère ! comme il tremblait, le réverbère de la rue !
C’était l’aube, nul ne put paraître à ses yeux ouverts dans l’air dur. Mort, oui mort il resta dans la rue, un poignard dans la poitrine. Et personne, personne ne le connaissait.

CANTOS DEL AIRE

Serenata de Belisa – in Eros avec canne.

Sur les bords de la rivière, la nuit se baigne, et sur les seins de Lolita, meurent d’amour les bouquets.
La nuit nue chante à voix basse, sur les ponts de mars. Lolita lave son corps avec de l’eau de nard.
Ay ! Ils se meurent d’amour les bouquets.

Es verdad (C’est bien vrai) – in Andaluzas

Ah, qu’il me coûte de peine à t’aimer comme je t’aime!
Amoureux, l’air me fait mal, mon coeur et mon chapeau même.
Qui donc voudra m’acheter ce galon tressé de soie, cette tristesse de fil blanc à faire des mouchoirs ?
Ah, qu’il me coûte de peine à t’aimer comme je t’aime!

Remanso, cancion final (« retour au calme, étalement », chanson finale)

Déjà tombe la nuit, les rayons de lune frappent sur l’enclume du soir. Un grand arbre se défend avec les paroles des chanteurs, déjà tombe la nuit. Si tu viens me voir par les sentiers de l’air, tu me rencontreras pleurant, ay ! ma brune, tu me trouveras pleurant sous les grands peupliers.

CANTOS DEL FUEGO

La Lola

Elle lave sous l’oranger des langes de coton ; elle a les yeux verts, la voix violette.
Hélas ! amour, sous l’oranger en fleurs !
L’eau de la rigole était pleine de soleil, dans l’olivier chantait un moineau.
Hélas ! amour, sous l’oranger en fleurs !
Puis, lorsque Lola aura usé tout le savon, viendront les toreros.
Hélas ! amour, sous l’oranger en fleurs !

Il paso de la Siguiriya (Le passage de la Séguidille)

Parmi les papillons noirs, va une fille brune à côté d’un blanc serpent de brouillard.
Elle est enchaînée au frémissement d’un rythme qui jamais n’arrive ; elle a un coeur d’argent et un poignard dans la main droite.
Où vas-tu, séguidille, avec un rythme sans tête ? Quelle lune recueillera ta douleur de chaux et de laurier-rose ? Terre de lumière, ciel de terre.