Il faut dépasser le savoir-faire virtuose.
J’aime beaucoup les films de Jacques Doillon et je conseille de les revoir; même les plus anciens (Ponette, La Drôlesse, Le Sac de billes, Le petit brigand,…) n’ont pas pris une ride. Ils sont édités en DVD par MK2. Pour moi, ils ont une extraordinaire puissance d’émotion.
Dans le bonus du film Raja, Doillon parle de l’interprétation et dit des choses intéressantes. Il explique qu’il n’accepte jamais de se contenter d’une démonstration virtuose de la part d’un interprète. Il dit: j’ai toujours besoin de savoir ce qu’il y a derrière cet écran de fumée de la virtuosité, du savoir-faire. Il faut passer derrière.
Le savoir-faire technique est important, mais il ne faut pas duper le spectateur. Il importe donc d’être une personne avant d’être un personnage. Ce n’est plus une contrainte à partir du moment où l’on comprend qu’il y a un plaisir énorme à mesurer cette capacité que l’on a de se dépasser, et d’émouvoir profondément…
Cette idée m’intéresse tout à fait pour le travail musical. Si l’émotion peut être mimée – et l’on sait, par des études, que le mime d’une émotion approche des conditions de son émergence et la favorise, le fin mot de l’histoire est d’alimenter véritablement son interprétation de tout ce qui fait de chacun de nous – interprète – une personne unique. L’émotion doit être vraie. La technique – et tant mieux si elle touche à la virtuosité – est utilisée pour aider à l’irruption de l’émotion et à sa transmission, à l’échange avec l’auditeur.